L'artiste Brenda Louie |
C’est à Toi Shan, un village d’une des provinces de Chine, que verra le jour Brenda Louie en 1953, d’un père calligraphe (Lui Chiu Sheung) par lequel elle sera ultérieurement influencée. Elle voyagera à Hong Kong au début des années soixante puis immigrera aux Etats Unis en 1972. Ses études en économie ne l’empêcheront pas de poursuivre d’autres en Histoire de l’art et en calligraphie chinoise, qui forment avec la littérature, la philosophie et l’art, sa vraie passion. Elle obtiendra une Maîtrise en peinture de l’université de l’Etat de Sacramento (CSUS) en 1991 et une autre en Beaux Arts de la prestigieuse Université de Stanford en 1993.
Abordant en majeure partie la peinture, la sculpture et l’installation, l’art de Louie est un livre ouvert à l’esprit qui le convoite ralliant le visuel au mental. Son art est une fusion entre l’esthétique des cultures qui l’empreignent, celle de son pays natal et celle de l’Amérique, sa deuxième patrie, à la recherche de la ‘‘lingua franca’’ ou langue véhiculaire qu’elle se sentait responsable de trouver afin d’éduquer le public avec une approche originale à travers une technique où s’harmonisent aquarelle, encre de chine rouge ou noir, papier, graphite medias qui répondent à des conventions propres à l’artiste.
Figure
1 The white wedding
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Á la recherche de l’Eternité
Dès ses premières œuvres les influences par l’écriture chinoise sont traduites par une abstraction frôlant un divisionnisme reflété par des touches organisées, légèrement étendues, comme soumises à une attraction qui les rapproche les unes aux autres pour reconstituer de nouvelles formes qui au fur et a mesure se géométrisent, puis s’aplatissent en une couleur franche qui contraste avec le pointillisme étincelant et coloré des touches en pétales qui semblent soumises à une force centrifuge qui leur trace une trajectoire, parfois en spirale, parfois en cercle, évoquant un cycle eternel qui frôle l’acte de la fécondité et contraste avec la fatalité du sujet. Ce dynamisme en spirale se serait déjà manifesté dans une des installations antérieures Le Mariage blanc (Fig.1) où des pierres légèrement rapprochées les unes des autres prennent un mouvement en spirale, celles-ci, comme étiquetées en guise d’identité, semblent dégager une tension magnétique dirigée vers le centre et s’élevant vers un tissu blanc suspendu. Cette sensation d’apesanteur semble figer le temps. La spirale dans la double hélice de l’ADN au tourbillon des galaxies, à la notion de mouvement et d’évolution, symbole de la vie en mouvement et en inachèvement, est aussi la mise en dialectique du temps humain et de l’éternité.
Tout semble répondre à un code que l’artiste nous invite à déchiffrer à travers des structures biomorphiques qui l’organisent et d’où surpassent des cercles et des ovales, en phloèmes, en xylèmes ou en cellules humaines. La vie est omniprésente dans l’œuvre de l’artiste qui tente de dépasser l’apparence et s’infiltre dans la composition microscopique de la matière (fig. 2).
Figure
2
Flowers from the sky series,
the Earth, watercolors, white graphic ink and Chinese ink on treated cotton
paper, 2007
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Le thème de la nature, fréquent, se manifeste en rivière ou en fleurs.
Le concept de l’eau, traduit par la rivière, est un excellent élément de communication ayant mit naissance à la culture. Chaque rivière possède son identité mais toutes servent l’humanité en connectant les peuples. Elle reconnait elle-même que la rivière jaune et dorée sont des concepts profondément enfouis dans ses origines.
La série des Fleurs du ciel (Flowers from the Sky Series, the Earth (fig.2) évoque un espace, où les planètes se trouvent recouvertes de cellules, en cercles adhérent l’une a l’autre, en une agglomération qui forme des sphères retenues sur des tiges, et le tout en fleurs rependant leur pollen. Toute cette flore, Louie la regroupe dans un jardin qui lui est propre ralliant flore et constellations en touches gracieuses organisées.
La transfiguration de la pensée
L’organisation est un attribut de l’œuvre de Louie qui dénote d’une forte spiritualité, ses cercles, que ce soit sur le sol ou sur le mur créent une tension par l’écart calculé qui accentue la dimension mentale de l’œuvre (fig.2) et (fig. 5). Les éléments répondent à un ordre qui semble ralentir le temps, un silence s’établit, silence d’un temple où est vénéré l’homme. Elle dira elle-même qu’elle considère son studio être comme son temple.
Figure 3 Mapping of memory series I, graphite on Mylar
over collage materials
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Figure 4 The foot journey series, graphite on Mylar over collage materials
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Cette dimension mentale se manifeste au mieux à travers les installations et dessins par l’intermédiaire desquels Louie visualise le mécanisme de stockage et de l’interprétation de la mémoire en généralisant quelques critères que le public est incité à découvrir d’une nouvelle façon en généralisant sa propre perception qu’elle rend presque commune à l’humanité, les œuvres The Mapping of Memory (fig.3) et Foot Journey series (fig. 4) en témoignent.
Même si la conception que prône l’artiste n’accède pas facilement au public, l’œuvre retient au minimum ce dernier et le plonge dans une méditation qui ne le laissera pas indifférent. Ces œuvres puisent des cartes ancestrales et des essais d’anatomie populaires en chines, à l’instar de ceux de l’acupuncture. Un quadrillage adéquat et mystérieux, des dispositions stellaires, le coloris du support usé, tentant de localiser le temps à travers la liberté de l’homme qu’elle traduit par le pied symbole de la marche et de la conquête, et le cerveau, symbole de l’intellect et le savoir. L’emploi fréquent du cercle dans l’œuvre de Louie n’est pas hasardeux il répond à une notion philosophique et mathématique qui introduit un langage visuel supplémentaire, comme dans The Book of Zero (Fig. 5).
Figure 5 Book of Zero series II, 2004, Crocker Art Museum
Sacramento, California
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Le cercle dans son symbolisme commun représente le tout fini et infini, l'unité et le multiple, le plein et la perfection comme l'est le Créateur de l'Univers, en Zéro il symbolise l’absence et l’énergie primaire ou point de départ de tout comme l’explique Louie, et incarne l’œil à travers duquel on voit l’univers. L’artiste interprète cet effet en utilisant l’encaustique et des couches représentant le monde caché, avec un collage obscur qui fait allusion à la mémoire tout en alternant des éléments personnels que Louie emprunte des calligraphies de son propre père, donnant à l’œuvre une subjectivité ralliant l’œuvre à l’artiste. Louie se verra concernée par les souffrances de l’humanité, elle le manifestera à plusieurs reprises dans des œuvres comme The Rat Fest, évoquant la famine, et Let’s A Hundred Flowers Blossom Series, qui ramène à ‘‘La campagne des Cent fleurs’’, une tragédie qui fera des milliers de victimes en 1957, ou The Book of Zero honorant les martyrs des peuples ayant sacrifié des vies.
La rencontre avec John Cage influencera la pensée créative de Louie et à travers des professeurs comme Oliver Jackson, Joan Moment, William Allen, Roger Vail, Gerald Walburg, Nathan Oliveira, David Hannah, Kristina Branch, Joel Leivick, Frank Lobdell, Richard Randell, Larry Thomas et d’autres. L’art de Brenda Louie s’est individualisé dans sa recherche du dialogue entre le conceptuel, l’abstrait et la représentation qu’il traduit d’une façon assez originale qui lui valent une reconnaissance des musées et galeries de la communauté artistique aux Etats Unis, aussi bien que de nombreux prix lui furent décernés.
Comme elle l’a dit elle-même, son œuvre reflète la fusion et le mélange unique de la culture Américaine contemporaine et les traditions de l’Est. Sa production est abondante et ses expositions nombreuses. Aborder son art de façon détaillée ne pourra être cerné en quelques pages, chaque exposition individuelle se caractérise par un concept particulier, mais on peut en déduire une atmosphère imprégnée de spiritualité et de sérénité incontestables.
Hussein HUSSEIN.
Le 2.02.2014
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